Arequipa, la ville blanche et le monastère Santa Catalina
Lundi 2 mai. Arequipa. Le début de mon aventure au pays du Temple du Soleil. Mes vieux souvenirs de mes lectures de Tintin reviennent à mon esprit. Pas étonnant, le Pérou rappelle souvent les premières curiosités de l’enfance… Ah ces fameuses Cités d’or !
À peine sorti de l’aéroport, je grimpe dans un taxi (officiel, il faut se garder d’attraper un taxi à la sauvette quand on voyage en Amérique du Sud…) et prends la direction du centre-ville pour rejoindre mon hôtel. L’Inka Roots, une petite auberge familiale sur Santa Catalina, fera bien l’affaire. Chambre sans luxe, mais tout à fait convenable.
Agréable surprise. D’autant que l’hôtel possède une terrasse qui offre une vue panoramique sur toute la ville et ses volcans qui la dominent. Depuis cette terrasse, on devine aussitôt la richesse architecturale de cette ancienne cité coloniale espagnole où églises et monastères se côtoient en abondance, tous bâtis avec la roche volcanique, le sillar clair qui a valu à Arequipa le surnom de « ville blanche ».






À peine sorti de l’hôtel, on se sent aussitôt happé par la ville et par son emprise historique et culturelle. Nul besoin d’aller bien loin pour croiser les premiers indiens Aymaras. Ils trônent par centaines le long des trottoirs de la vieille ville. Pour eux, aucun problème avec l’altitude, même si Arequipa est relativement basse par rapport à d’autres villes du pays, seulement 2.300 mètres, de quoi s’habituer progressivement au mal des montagnes, le fameux « soroche ». Avec plus de 800.000 habitants, Arequipa est la deuxième ville du pays, mais tout reste encore à taille humaine et on peut facilement tout visiter à pied. Allons-y alors.

Direction la Plaza de Armas, à l’extrémité de Santa Catalina. C’est ici que se dresse l’imposante cathédrale d’Arequipa. Rien d’exceptionnel si ce n’est cette massive façade blanche qui donne tout son caractère à la place. À l’intérieur, décor trop chargé à mon goût. Ceux qui y voient clair, apercevront les petits soleils qui ornent le haut des voûtes. Petit souvenir des Incas.



Autour de moi, la Plaza de Armas brille d’un éclat vif. Et pour cause, le soleil brille plus de 300 jours par an à Arequipa. Cette place, même si elle ne date que du XIXe siècle, est l’une des plus belles du pays avec sa rangée d’arcades, ses palmiers, sa fontaine centrale et ses pigeons.
Au-dessus de la cathédrale, on peut même apercevoir le sommet du volcan Chachani. La Plaza de Armas est le lieu de rassemblement de toutes les manifestations… et bien sûr des indiens Ayamaras. Pour la petite histoire, Arequipa est une ville fondée par les Espagnols en 1540, ville clé dans le transit du minerai d’argent provenant des mines de Potosi, en Bolivie. Après le déclin de ces dernières, la ville se relèvera grâce aux manufactures de laine d’alpaga et de textile. La ville est aujourd’hui le principal centre économique du sud du pays.




De l’autre côté de la plaza de Armas, impossible de manquer la Compania, une ancienne église jésuite de la fin du XVIIe siècle à la façade baroque grandiose. Ici, les Jésuites ont su mélanger à merveille les codes du catholicisme avec la mythologie inca. L’ensemble amène à une profusion de détails iconographique incroyable, représentatif du métissage préconisé par l’ordre de Jésus. Pumas, serpents et oiseaux amazoniens côtoient ainsi la vierge, les anges et les saints bibliques.
Côté calle Alvarez Thomas, le portail latéral atteint les sommets avec une représentation de Saint Jacques triomphant des Maures – reconnaissables à leurs turbans. Dans l’église, même resplendissante avec de magnifiques retables de l’école de Cuzco, mais aussi et surtout avec la superbe chapelle San Ignacio et sa coupole polychrome recouvertes d’anges, de perroquets multicolores, de fleurs et de saints. Exceptionnel.










Retour à l’Inka Roots où j’ai rendez-vous avec Maria qui va se charger de me réserver mon trek de deux jours vers le cañon de Colca et mon transfert vers Puno. Organisation aux petits oignons. Ok, je peux maintenant poursuivre ma visite d’Arequipa.
Cette fois-ci, pas besoin d’aller bien loin. Il me suffit de remonter le trottoir et l’avenida Santa Catalina. Le cœur historique de l’ancienne cité coloniale. C’est ici que se niche l’un des plus beaux trésors architecturaux d’Amérique du Sud : le monasterio de Santa Catalina. Incontournable.
Il s’agit d’un couvent dominicain, véritable ville dans la ville avec ses ruelles, ses maisons rouges, ses placettes et ses nombreux cloîtres. Fondé en 1579, il abrita quatre siècles durant quelque 170 nonnes servies par près de 300 esclaves africaines. Vivant à l’abri des regards, les religieuses, cadettes des grandes familles espagnoles, versaient alors une dot conséquente au moment de prononcer leurs vœux. Aujourd’hui, seules une quinzaine de nonnes, âgées de 18 à 90 ans, vivent encore ici.

La visite commence à l’envers, par l’ancien dortoir transformé depuis en pinacothèque. Nombreuses toiles du XVIe au XVIIIe siècle de l’école Cuzco.







Retour dans le bon sens. C’est le moment de traverser le mystérieux patio du silence.



Au fond se niche le charmant cloître des Novices orné de fresques. Une cellule de nonnes y est fidèlement reconstituée.





Un passage discret, à droite du patio, mène directement à l’incroyable cloître des Orangers. Un chef-d’œuvre entièrement peint d’un bleu cobalt, profond, intense, marin, d’une pureté insensée. Sans doute le plus étonnant que j’ai pu voir à travers tous mes voyages.
Autour de lui s’articulent de multiples cellules de nonnes abritant chacune une cuisine à ciel ouvert, un cabinet d’aisances et un salon. Les servantes logeaient au-dessus, dans des conditions très difficiles. Une salle est réservée aux veillées funèbres, ornée de portraits de religieuses. Aux murs, des fresques rappellent les différentes phases de l’âme en état de péché jusqu’à l’état de grâce final.








Passé la salle des hosties, on accède directement à un vaste quartier d’habitation. Voici donc cette ville dans la ville. Calle Cordoba, calle Toledo, calle Sevilla, calle Burgos, calle Granada… C’est ici tout un pan de la géographie espagnole qui se tient dans quelques milliers de mètres carrés. Maisons basses en adobe, peintes en ocre-rouge, se succèdent à l’infini. Un véritable labyrinthe se dessine.














À l’extrémité nord du monastère, voici un lavoir à ciel ouvert équipé de grandes demi-jarres pour laver et évacuer les eaux sales. Étonnant.




À gauche, en revenant vers la zone des cloîtres, impossible de passer à côté des cuisines communes, assombries par des siècles de fumées.




Plaza Zocodober, impossible de ne pas admirer la superbe fontaine dressée au milieu de la place ensoleillée. C’est ici que les nonnes prenaient leur bain… sept fois dans l’année !


Au-dessus, de petits escaliers montent jusqu’à une terrasse qui offre une vue panoramique sur toute cette petite vie monastique, le tout surplombé par les deux volcans qui gardent la cuvette d’Arequipa. Magique.




La visite s’achève par le cloître majeur, le plus important de tous avec ses piliers ocre-rouge, orné de fresques contant la vie du Christ et de la Vierge. Sublime.




Après tant de belles choses, retour en arrière vers l’Inka Roots. Au passage, petit coup d’œil sur la façade du centre culturel San Agustin.

La nuit tombe vite ici. Passé 18 heures, il fait déjà presque entièrement noir. C’est le bon moment pour retourner vers la Plaza de Armas pour admirer ses lumières. Je mange un bout et je file dare-dare me coucher. Demain, mon guide pour le Cañon de Colca vient me chercher à 3 heures du matin. Dur.



