Cuzco, de la Compania de Jésus à l'ancien temple du Soleil
Vendredi 13 mai. C’est frais et reposé que j’attaque cette dernière matinée à Cuzco. Cet après-midi, je reprends l’avion pour Paris… Oups ! Ok, je file de bon matin vers la Plaza de Armas. En chemin, ma première étape me conduit naturellement au monastère de la Merced. Incontournable.
C’est ici que l’on trouve un des plus beaux cloîtres du Pérou, le plus beau de Cuzco en tout cas. L’Ordre de Notre-Dame de la Merci fut l’un des premiers à s’installer au Pérou. Détruit par le séisme de 1650, reconstruit quatre ans plus tard, l’édifice est décoré de magnifiques plafonds en bois sculptés et de 25 grandes fresques retraçant la vie de San Pedro Nolasco, fondateur de l’Ordre au XIIe siècle.
 
															 
															 
															 
															 
															 
															 
															 
															 
															 
															 
															 
															Mais le plus extraordinaire est sans conteste la cellule où le père Francisco Salamanca vécut, cloîtré durant onze ans, peignant chaque portion de mur. On trouve tour à tour le paradis, rieur et peuplé d’angelots, et de l’autre l’enfer où soufflent les flammes et déambulent squelettes et diablotins. À l’étage, ne pas manquer la pinacothèque où trône la Sainte Famille de Rubens et une Piéta andine où le Christ est coiffé d’un bonnet indien et la vierge habillée de la tenue traditionnelle des indiennes Tinta.
 
															 
															 
															 
															Ok, après la Merced, je file tout droit vers la Plaza de Armas. Là, une surprise m’attend. Nous ne sommes pas dimanche, mais j’ai quand même droit à un des nombreux « défilés civiques » de la ville. Toutes les écoles de la ville sont là, rangées en ligne, et les enfants vêtus de leurs plus beaux uniformes. Les fanfares et les harmonies sont au diapason. Un truc de dingue !
 
															 
															 
															 
															 
															 
															 
															 
															En relevant la tête, impossible non plus de pas remarquer les beaux balcons sculptés accrochés aux façades des palais qui cernent la place.
 
															Impossible de quitter cette sympathique et non moins magnifique Plaza de Armas avant de visiter la Compania de Jésus. Bâtie entre 1571 et 1650, l’église jésuite s’appuie sur les fondations du temple inca de Huayna Capac.
À moitié détruite par le séisme de 1650, elle fut reconstruite et parée de sa magnifique façade baroque. Les Jésuites, alors très influents dans toute l’Amérique, rêver de surpasser la beauté de la cathédrale… Tant et si bien que l’archevêque de Cuzco demanda au pape sa destruction ! Il n’obtint que sa modification, et l’église ne s’appuya que sur une seule nef, au lieu des trois prévues à l’origine.
Bon, certes, il y a toujours ces beaux tableaux de l’école de Cuzco, mais rien d’extraordinaire, mis à part ce colossal maître-autel, ruisselant d’or, flanqué de colonnes et surchargé de toiles. La crypte abrite les sépultures des pères jésuites. Photos interdites à l’intérieur.
 
															Juste à côté de la Compania, on passe par un porche qui conduit directement au cloître de l’université de Cuzco. Très joli, mais sans plus.
 
															À gauche de la cathédrale, il faut absolument pouvoir remonter la calle Loreto. À cette heure-ci, elle est encore remontée par les élèves des écoles de musique de la ville.
 
															Cette ruelle étroite est bordée sur toute sa longueur de fondations incas en parfait état de conservation. La hauteur des murs laisse entrevoir les constructions grandioses qui devaient être là quand les conquistadors espagnols ont pénétré pour la première fois dans la capitale inca… Quel spectacle ce devait être !
 
															 
															 
															 
															 
															 
															 
															 
															 
															Au centre de la rue, une petite porte mène à un vaste domaine. Sans doute un ancien palais inca. Des lamas broutent tranquillement sur la pelouse.
 
															La matinée tire à sa fin. Mes dernières heures passées au Pérou aussi. Estomac noué. Impossible de quitter Cuzco sans aller voir l’extraordinaire Couvent Santo Domingo et le temple du Soleil Coricancha.
 
															Quel étrange mélange en effet que ce temple du Soleil enserré dans l’actuel couvent, curieux mélange de murs incas cernant le grand cloître de l’édifice religieux et de bâtiments de l’époque hispanique et coloniale. 
Les structures incas ont été redécouvertes après le séisme de 1950 qui a mis à bas d’importants monuments coloniaux. Ainsi sont réapparues les vestiges du plus important édifice inca, parfait exemple de l’architecture de cette civilisation dont on devine déjà l’agencement, sur le parvis du couvent, avec cette imposante rotonde de pierres parfaitement ajustées. Inouï.
 
															 
															 
															 
															 
															 
															 
															 
															 
															Reste que le monastère Santo Domingo a été élevé sur les ruines du fameux temple du Soleil inca, rénové par Pachacutec en 1463. Qui les Incas vénéraient-ils ici ? Le dieu Soleil, Inti ? P’unchau, le dieu du Jour ? Viracocha ? Les momies des empereurs ? Leurs épouses ? Toujours est-il que ce temple n’était pas dressé ici par hasard. 
Depuis son promontoire, il dominait toute la ville et s’étageait en jardins et en terrasses. Pour les Incas, Cuzco prenait la forme d’un puma, animal sacré de leur cosmologie, avec, à sa tête, la forteresse de Saqsayhuaman, et à la place de son sexe, le temple de Coricancha, le temple du Soleil. 
Coricancha, une fois pillé de tout son or, fut cédé à l’ordre des Dominicains. Une partie des structures fut conservée pour bâtir le monastère, une autre réutilisée pour élever l’église. Au centre du monastère fut édifié l’extraordinaire cloître. Pour moi, le plus beau que j’ai pu voir à Cuzco.
 
															 
															 
															 
															 
															 
															 
															 
															 
															 
															 
															 
															Partout autour du cloître, les murs incas du Temple du Soleil, encore intacts, impressionnent par leur taille imposante et par l’ajustement parfait de leurs pierres gigantesques. Pas une ne se ressemble. Il y a même des ouvertures pratiquées en enfilade qui permettent de voir à travers les murailles d’un bout à l’autre du mur. Il faut imaginer la stupeur des conquistadors lorsqu’ils ont découvert le temple. 
Tous ses murs étaient alors recouverts d’or, y compris le trône des empereurs défunts, les corniches, les autels, les plafonds, les statues et le disque solaire du sanctuaire. Un vrai trésor que les Espagnols se sont empressés de piller, de fondre et de ramener vers l’Espagne. Les pierres les plus étranges sont les fameuses pierres d’angle, biscornues, et semble-t-il utilisées pour solidifier la structure.
 
															 
															 
															 
															 
															 
															 
															 
															 
															 
															Un peu plus loin, il ne faut surtout pas manquer le seul vestige peint de l’ancien temple. Motifs incas aux tons rouges, ocre et brun. Émouvant.
 
															Enfin, impossible de quitter les lieux sans aller au-dehors marcher sur le chemin de ronde de la muraille inca. Cette incroyable rotonde aux murs massifs a traversé les siècles et les tremblements de terre sans aucune altération. L’épaisseur de ses murs et l’ajustement de ses pierres y sont sans doute pour quelque chose. Vraiment impressionnant.
 
															 
															 
															 
															 
															 
															Depuis les murailles, on a un panorama exceptionnel sur la ville de Cuzco. Il faut imaginer les terrasses et les jardins qui étaient aménagés là, en contrebas, du temple. Quelle vision fantastique ce devait être alors.
Voilà, il est maintenant l’heure de quitter Cuzco et de rejoindre l’aéroport. Un avion pour Miami, puis la France m’y attend. Mais comment oublier ce pays merveilleux, ces gens magnifiques, ces paysages insensés qui tutoient les étoiles et les cieux ? Je ne suis pas prêt d’oublier, non. Il me faut encore me mêler une dernière fois à la cohue des voitures et des habitants de Cuzco, m’en nourrir une dernière fois, marcher dans ses rues et me promettre de revenir très vite. Il y a encore tant de choses que je voudrais voir dans ce pays aussi étrange que merveilleux.
 
							 
							